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Cette pièce, appelée « chambre derrière le feu » mais également « pèle », « stouve » ou « stûve » dans la région, était la pièce la plus confortable et la plus intime de toute maison ardennaise traditionnelle. Elle était toujours munie d’un plancher, moins froid qu’un dallage (c’était d’ailleurs, avec la cuisine, la seule pièce chauffée de la maison). S'y tenaient les veillées avec, souvent, des personnes du voisinage, y dormaient au besoin les personnes âgées ou malades... Cuisine et « pèle » constituaient les cellules de base de tout logis.

Son nom de « derrière le feu » provient du fait qu'elle se trouvait toujours adossée à la cheminée de la cuisine qu’elle utilisait comme moyen de chauffage grâce à deux dispositifs ingénieux (climat rigoureux oblige).

Le premier consistait à récupérer la chaleur de la « taque » au moyen d’une trouée dans le mur à son revers, assurant ainsi une bonne diffusion à la manière d’un radiateur moderne (c’est vraiment efficace). Au fil du temps, cette simple niche se verra encadrée par un véritable meuble avec son compartiment horizontal appelé « layette » ou « ravalant ». Les portes du bas sont parfois prévues dès l’origine mais ont souvent été ajoutées plus tardivement, souvent lorsqu’un fourneau a pris place dans la cheminée de la cuisine. C’est le cas ici.

Ce dispositif de chauffage est déjà attesté au XVe siècle dans l’Eifel, il se répandra progressivement dans l’actuel Grand-Duché, en Ardenne, en Gaume mais aussi en Lorraine française. Lors des travaux de restauration, on a découvert dans cette "niche" les vestiges d’un revêtement en damier fait de petites pierres de schiste posées sur chant, comme il est plutôt d’usage pour les soles de foyer. Ce motif a été reproduit dans les mêmes dimensions mais en ardoises actuelles (un peu plus fines que celles d'’origine). La taque de cheminée appliquée contre celle de la cuisine arbore les armes de la famille Pirlot de Corbion. 

Il faut préciser que la boiserie actuelle est un remploi, elle provient en réalité de Nobressart (les portes des deux grands placards encadrant le secrétaire ne sont pas d’origine non plus1 : avant de vendre leur vieille maison familiale, les anciens propriétaires en avaient retiré plusieurs « souvenirs ». C’est ainsi qu’a disparu, à l’emplacement du placard de gauche, une écritoire ou secrétaire encastré que veut rappeler la commode-secrétaire (liégeoise) actuelle.

Mais le rayonnement de la taque n’était pas la seule source de chaleur : s’y ajoutait le poêle, ou fourneau d’étuve (stûve), attesté dans la région dès le milieu du XVIIe siècle conjointement au dispositif précédent, qui finira souvent par désigner la pièce tout entière2.

Un observateur attentif remarquera que le modèle présent dans la pièce ne possède pas de buse pour l’évacuation de la fumée, ni de porte pour son chargement. Il s’agit en fait d’un système d’inspiration germanique avec son alimentation depuis la pièce voisine. La fumée s’échappe par le même chemin pour rejoindre un conduit percé dans l’épaisseur du mur ; cette formule permet d’éviter poussières et fumées dans la pièce. On en connaît de nombreux exemples en Haute Ardenne et au Grand-Duché mais pas d’autre dans les environs proches, nous nous trouvons sans doute à la limite de l’aire de diffusion de ce type de poêle.

Le poêle actuel n’est pas d’origine, il date de la fin du XIXe siècle et provient de Coo. Outre ce type de poêle-colonne, un autre modèle répandu dans la région comporte un pied central reposant sur une dalle ronde en pierre (un tel poêle -avec sa pierre gravée- est présenté dans la salle Saint-Hubert) mais nous savons que les modèles les plus anciens étaient carrés.

Ces poêles sont appelés « à piquets » car ils permettent de brûler des bûches longues d’environ 1m, ou d’anciens piquets de clôture, que l’on avance au fur et à mesure de leur combustion. Dans la région de Grand-Halleux (Vielsalm), on appelle également cette installation « fû o mur »3.

Une mention spéciale pour le bouquet en stuc situé au-dessus de la porte, avec sa console destinée à une statuette religieuse (l’actuelle n’est pas celle d’origine dont on ne sait rien). Ce précieux ornement a été sauvé à grand peine : non seulement il se décollait du mur, mais de multiples couches de badigeon avaient réduit ses fleurs à l’état de pâtés informes ; il a nécessité un décapage méticuleux. On n’en connaît pas d’autre de ce type en province de Luxembourg, ce qui ne signifie pas qu’il ait été unique ; mais il y a eu tant de destructions, et ces décors sont si fragiles4... Le patrimoine, c’est ce qui reste !

Les menuiseries situées autour de la fenêtre sont, elles aussi, des témoins de l’aménagement initial, préservés de justesse : lors de l’achat de la maison, la pluie ruisselait depuis les trous du toit et ces boiseries étaient délicatement ornées d’un chapelet de champignons visqueux...

Notes et références

  • 1

    Ils ne sont même pas ardennais puisqu’il proviennent d’une ancienne ferme en carré à Lonzée (Gembloux) où ils encadraient la cheminée de la « belle salle ».

  • 2

    « Architecture rurale de Wallonnie, Ardenne herbagère », Ed. Mardaga, Liège, 1992, p. 173.

  • 3

    A. SIMONET, J .-M. CAPRASSE, « Le canton de Houffalize », éd. du CRIL, Ambly, 1985, p. 68.

  • 4

    Des informations sur les décors en stuc sont apportées dans le texte concernant la "Belle Salle".