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Dans la région, la cuisine est appelée la « mohon » (maison) car elle en constitue le cœur ; nombre de logis, à l’origine, se réduisaient à cette seule et unique pièce.

Ce qui frappe d’emblée, c’est son âtre avec sa hotte typiquement ardennaise (le « djivâ »), appelée « à faux manteau » car elle est en quelque sorte soutenue par des consoles cachées et ne repose pas sur des jambages. Elle n’a pas changé depuis le XVIIIe siècle : le crochet de suspension de la crémaillère et la barre d’écartement (renouvelée) sont toujours en place, c’est devenu rare ; quant à la taque, c’est toujours celle d’origine, avec ses « animaux cuisiniers » (cette scène amusante a été choisie comme emblème pour la maison1). A droite, petite porte de chargement du poêle.

Autre élément remarquable, l’évier en pierre d’Ottré, dont la découpe a fait l’objet d’un soin particulier. Ottré est un village situé dans l’actuelle commune de Vielsalm ; on y a extrait durant des siècles des roches (phyllades et quartzophyllades) que des ateliers locaux ont transformées en ardoises, dalles, éviers, pierres tombales, etc. Le dallage -d’origine lui aussi- est de la même provenance, à moins qu’il ne s’agisse de la carrière de Cahay comme celui du couloir (même banc rocheux). Trace attachante de la vie quotidienne, la marque laissée sur le bord de l’évier par l’aiguisage des couteaux, notamment au moment de peler les pommes de terre.

Sont rapportées, par contre, les portes du placard mural et la pompe en cuivre (vraisemblablement d’origine française ; la précédente, conservée par les anciens propriétaires, était en fonte). Pendant longtemps, comme l’ont révélé les travaux de restauration, les poutres du plafond sont restées apparentes (et noircies par la fumée) mais il est possible qu’un revêtement de plâtre ait été prévu dès l’origine, si l’on en juge par l’espace laissé entre le manteau de cheminée et le plafond. En tout cas, un tel revêtement de plâtre était présent lors de l’acquisition de la maison. Il a été reproduit pour des raisons pratiques.

Des lambris à hauteur d’appui faisaient le tour de la pièce, ils étaient trop dégradés pour être conservés (il en subsiste un élément au grenier). A noter la « barre à pots » ( au-dessus de la porte), caractéristique des cuisines anciennes. Cette sorte d’archelle faisait parfois tout le tour de la pièce.

La cuisine est chaulée en bleu. Fréquente au XIXe siècle, cette couleur était, paraît-il, censée repousser les mouches. Elle est née de l’invention, au début du XIXe siècle, d’un chimiste français, Jean-Baptiste Guimet qui, le premier, a réussi à produire un pigment de synthèse bleu outremer bon marché. Sa compatibilité avec la chaux lui a valu un franc succès durant tout le siècle. Sur le bord gauche de la hotte de cheminée, une « fenêtre » témoin a été maintenue pour témoigner des couche successives de cette chaux bleutée. On peut y observer également l’état de la cuisine avant ce chaulage bleu : murs noirs de suie qui, sous le plafond assorti, ne devaient rien avoir de très appétissant !

Notes et références

  • 1

    On en connaît d’autres identiques, dont une au musée Curtius à Liège (KIK-IRPA, cliché B035859), considérée comme datant des années 1691-1700, et une, toute proche, dans la cheminée de l’ancienne maison Remacle à Ortho.